Le monde n’est pas pour eux une organisation symbolique complexe, composée d’institutions fragiles, dont l’existence même est une énigme. Ils sont assez prudents pour ne pas exprimer leur mépris de l’art et les processus d’individuation à travers celui-ci, parce qu’ils ont encore besoin de l’art en tant que terrain de chasse pour débusquer des monstres. La société d’aujourd’hui peut-elle se passer des innovations et des créations d’individus qui ne seraient pas irréprochables ? Il semble que oui. Il n’y a plus d’exception pour le talent, encore moins pour le génie. Mieux encore, nous assistons à un renversement de l’histoire : les avant-gardes sont dans le passé, nous parlons de certains artistes d’alors en disant qu’ils ne seraient pas possibles aujourd’hui. Il ressort de cette enquête l’importance des individus atypiques dans l’économie symbolique d’une société. En 1921, à l’époque de l’« art officiel » soviétique, qui ressemble quelque peu au nôtre, Ievgueni Zamiatine déclarait : « La vraie littérature ne peut exister que lorsqu’elle est créée, non pas par des fonctionnaires diligents et dignes de confiance, mais par des fous, des ermites, des hérétiques, des rêveurs, des rebelles et des sceptiques. »
Ont contribué à ce numéro : Chantal Bellavance, Julien Blaine, Louise Boisclair, Nathalie Côté, Silvio De Gracia, Étienne de Laberge, Mildred Durán, Giovanni Fontana, Jean Gagnon , Stvn Girard, Michel Giroud, Michael La Chance, Richard Lefebvre, Les Sabines, Myriam Lortie, Yann Merlin, Hugo Nadeau, Cai Qing, Alain-Martin Richard et Maxime St-Hilaire.