« Risques calculés » consiste en la réaffirmation de l’une des spécificités historiques de l’art performance. Ainsi, si les artistes de cette sélection sont prédisposés au risque – de par leur pratique en art performance, qu’en est-il de nos institutions soutenant ces approches? En ce sens, le comité de programmation du Lieu, centre en art actuel, en collégialité avec le directeur artistique, ont mené à bien une sélection empreinte d’une prise de risque, une sélection hétérogène entre diverses formes et statuts de pratique. De ce fait, Le Lieu vous « […] enjoint à prendre le risque de [v]ous « entrouvrir » » (Correia, 2017) devant l’inconfort, l’incongru, la sublimation.
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Mathieu Léger est né dans les Provinces Maritimes du Canada. Artiste-en-résidence en série, il a participé à plus de 80 résidences d’artiste. Il détient un Baccalauréat ès arts libre de l’Université de Moncton. Incarnant des idées autour de la nature et le temps géologique, il examine les procédés du monde naturel. Ses projets se concrétisent sous forme de performance, texte, dessin, photographie et installation vidéo/son, où il tente d’appréhender temps, espace et site. Léger médite sur plusieurs projets à long terme, où il scrute la conscience spatiale. En 2021, il reçoit le Prix Strathbutler de la Fondation Sheila Hugh McKay et le Prix de la lieutenante-gouverneure pour l’excellence dans les arts visuels. Il se partage entre des pays lointains et Moncton, NB, Canada.
La pratique d’art performance de Mathieu Léger implique des idées de permanence, d’impermanence et le potentiel entre ces états. Il s’intéresse aux systèmes propres à la transformation et la création de structures et de relations au sein de la nature ; statique versus dynamique. En employant des informations historiques, mythologiques et des récits personnels, il crée des performances poétiques qui incitent un partenariat expérientiel avec le public. Léger cherche à investir son processus avec la tension des sentiments contradictoires qui se manifestent pour la même expérience, tout en imprégnant ces actions avec un sens. Son travail transmet des concepts par les subtilités du langage et de la communication.
Laurence Beaudoin Morin est une artiste de Montréal, Canada. En performance comme en vidéo et en peinture, elle entend initier une réflexion sur la pratique du rassemblement en célébrant la complexité de sa praxis. Ses recherches portant sur les circonstances propices aux rencontres et à l’expérience de notre auto-détermination, Laurence développe une pratique axée sur le travail collectif et les correspondances. Elle interroge comment la performance, face à un moment déstabilisant, peut spatialiser le potentiel transgressif et créatif de moments de ruptures sociales, culturelles et politiques. Travaillant avec l’action comme outil de rassemblement, et approfondissant le sujet du risque, des communs et des terrains vagues comme espaces d’organisation, elle est initiatrice et documentariste de circonstances propices aux rencontres.
Laurence a complété une maîtrise en arts visuels et médiatiques à l’Université du Québec à Montréal et un baccalauréat en studio arts à Concordia. Elle présente des performances et organise des rassemblements à Montréal, Sudbury, Toronto, Detroit, Bruxelles, Berlin et en ligne depuis 2012. Laurence est fondatrice du projet des auto-workshops de performance en terrain vague et a fait partie de l’équipe du Performance Art Studies comme professeur et chercheuse.
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Emmanuel Morin
Le chemin du retour, prendre la porte en courant, descendre la pente brute asphaltée. Tourne à droite! Saute le fossé! Gauche! Suivre le chemin de fer. Cette fois-là, c’était de courir le plus vite en skippant le plus de planches possible! À la route 107, j’accélère vers l’angle de mon épaule droite. Cette vivacité me permet de glisser la pente de pelouse. À la 97e et la 7e. Ça descend sur un temps. Je tourne chez le voisin et sa haie de cèdre vole en éclats. Chez moi, la seconde extraction commence.
L’absence d’une logique toujours truffée d’inédit. Ces événements qui s’évaporent. Le silence du temps, l’appellation de toujours. Le véhicule corporel a conclu un pacte. Fidèle à moi-même, mais quel est le moi-même? Il y a une abondance de possibilités. Oui, je peux conclure par ce mot qui est l’excentricité, mais non. Le délirium à Manu? Non plus. Je possède un être à l’intérieur de moi. Un être vivant sous la gouverne d’une exhumation. Impatient, mais anxiogène. L’écosystème que je veux fuir m’écrase et gruge la honte de mes actes. Inspire, expire, de l’autre côté maintenant. D’où provient cette façade de redéfinir l’existence? En pyjama du haut de cet escalier chez ma mère un soir de semaine en train de pleurer à en vouloir extirper mes yeux de leurs orbites. Toujours fidèle à ma petite tête de linotte dépecée! Revenir dans cette arrière-cour, où je cours toujours. J’observe du haut de l’arbre. Les années défilées.
Laurence Gravel est une artiste en arts visuels et une travailleuse culturelle. Originaire de Charlevoix, elle vit et travaille à Québec. Elle est titulaire d’un baccalauréat en arts visuels et médiatiques et termine sa maîtrise en arts visuels à l’Université Laval. Son travail artistique multidisciplinaire et performatif crée des espaces de réflexion autour de référents historiques et issus de la culture populaire. Ses interventions jouent avec le concept d’auto-représentation et tentent de créer des univers narratifs décousus, mêlant le mélodrame à la comédie. Son travail en vidéo lui a valu une bourse de la fondation René-Richard qui lui a permis d’occuper pendant deux ans les laboratoires de La Bande Vidéo. Elle est récipiendaire de trois bourses de projet Première Ovation pour l’exposition solo d’autodiffusion Versailles-Chantier (2019) et Le Récital dû des du des mandats (2021) en duo avec Philip Gagnon à La charpente des fauves. Elle a également présenté plusieurs performances au cours des dernières années au Lieu, centre en art actuel et au Mois Multi 2023, en collaboration avec le centre Avatar dans le cadre des Cabarets Audios. Laurence s’implique au sein de plusieurs organismes et centres d’artistes, dont Folie/Culture et Vincent et moi.
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Le travail d’Annie Baillargeon affirme des états de transition et de déclin à l’aune de préoccupations féministes. Dans une démarche multidisciplinaire prenant la performance comme moteur principal, elle a recours à des stratégies d’auto-représentation qui relatent un corps performatif en interaction avec son environnement immédiat. Ses images, vidéos et performances intègrent des codes de l’autofiction dans des environnements photographiques ou installatifs afin de construire un ensemble en mutation. Entre les différents médias utilisés et les multiples antagonismes des réalités humaines, féminines, maternelles qui la traversent, elle compose des mises en scène autofictionnelles qui réinscrivent et réinventent sa relation au monde pour y trouver un équilibre.
Sans se restreindre à la binarité de genre, Baillargeon fragmente, multiplie et disloque l’image de sa personne en plaçant des personas dans des environnements qui évoquent des dimensions politiques, psychologiques et écologiques. Symptômes d’un monde dysphorique, figures de l’oppression qui s’immiscent dans nos vies privées et publiques, ces personas se retrouvent contraintes à agir parfois contre et parfois avec leur environnement. Chaque œuvre apparaît comme une scène où l’artiste raconte d’un point de vue personnel la constitution de ce déséquilibre et le besoin de réapprendre à respirer face à ce qui nous arrive. Dans cette imagerie foisonnante, les gestes, les accessoires et les costumes sont autant d’agents de transformation du corps qui permettent à l’artiste de déplacer les regards et de déjouer les attentes pour les remanier. S’habiller, se mouvoir, s’exposer devient un vecteur politique par lequel s’invente une liberté.
François Rioux
Par abriter un temps propice à n’importe quoi, j’insinue que je laisse la porte ouverte pour chauffer le dehors. En atelier, c’est me laisser emporter par ce qui me distrait de la « chose principale » au moment où l’attention glisse et dérape vers une sérieuse lubie. En performance, c’est de ne pas manquer cette occasion de travestir les théories de l’art action et de les interpréter à dos de motoneige ou à talons hauts.
Dans ces petits spectacles absurdes qui naissent en me vidant les poches, je fais du pouce sur les idées qui m’emballent, sans exclure les figures canoniques qui m’imprègnent. C’est envisager ma démarche comme une opportunité de m’enfarger, tout en jouant une partie de jambettes en l’air, que j’offre à tous cieux et ciels qui apprécient l’expérience d’infiltrer un rêve homoérotique à sa juste valeur.
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Marc-Olivier Hamelin est originaire de Rouyn-Noranda. Il détient un baccalauréat en beaux-arts de l’Université Concordia (2015) et une maîtrise en muséologie et pratiques des arts de l’Université du Québec en Outaouais (2019), où il s’est intéressé aux voix multiples en contexte de création. Il a exposé les projets Il y avait là trois structures (langagière, intérieure ou physique) ; « J’y retourne moins souvent qu’avant », dans le cadre de l’exposition collective The State of Parenthesis sous le commissariat de Marie-Hélène Leblanc à la Galerie UQO (2017), It Is About Finding a Method to Integrate Those New Voices. Getting to Know the Double, dont les oeuvres combinent des récits personnels et des explorations d’autres auteurs à L’Écart (2018), Il s’agit de trouver une méthode pour intégrer ces nouvelles voix. Connaître le double, « […] Whose Works Layer Personal Narratives with Explorations of Other Authors […] » à la Galerie UQO (2018), ça demande un lifestyle précis dans le cadre de l’exposition Ce n’est pas rien, ce n’est peut-être pas grand-chose, mais ce n’est pas rien, qu’il a élaboré en invitant huit de ses pairs et plus récemment les projets Il y a plusieurs fissures dans le solage, that’s a shame au Centre d’exposition de Val-d’Or (2021) et Il faut le dire : Perfect Lovers est aujourd’hui un espace fictionnel à L’Écart (2023). En 2022, il effectue deux résidences aux centres d’artistes Homesession à Barcelone et à AXENÉO7 à Gatineau. Son travail a pour point de départ le dialogue et soulève des enjeux relatifs au récit de soi et à la production du discours. Ses projets — où il lie sa voix à celles d’artistes, d’autrices, d’auteurs et de pairs — se matérialisent en installations, en vidéos, en photographies et en textes.
Dans sa pratique, Gui B.B explore le médium de la performance, ses potentialités d’impostures et de guérisons. Réfléchissant la performance comme une pratique de construction du monde, elle déploie des énoncés performatifs indisciplinaires où la théâtralité, l’ironie et la voix apparaissent comme matériaux principaux. En s’engageant dans différentes formes de parenté, son processus fait émerger de nouvelles constellations, de possibles reconfigurations aux récits dominants. Dans un foisonnement d’objets-gestes, elle crée des espaces dans lesquels le public peut faire l’expérience du non-sens, une éruption d’altérations aux identifications normatives. C’est dans ces espaces baroques qu’elle imagine des « trans-fiction » ludiques, des auto-récits poétiques où se créer une mythologie dissidente.
Son travail collaboratif et solo a été présenté dans différents lieux et festivals (L’Écart, OFFTA, la Fonderie Darling, La RIPA, Arts-souterrain, CCOV. VIVA). Elle a aussi présenté dans différents espaces alternatifs où elle auto-explore le médium de la performance, ses potentialités d’impostures et de guérisons.
Ses références et ses concepts se dissolvent parfois dans l’oubli et l’agrégation. Elle néglige son dos, sa voix et sa mémoire et prend le temps de ne jamais être trop préparée d’avance.